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031_de_Buenos_aires_a_Hamburg_Le_retour_en_bateau
Nager dans l'eau cristaline des cénotes du Mexique, avec les lions de mer joueurs ou les tortues géantes des Galapagos. Toucher la roche blanche granitique des Tanks de Capitol Reef. Etre saisie de vertige aux falaises de Dead Horse Point. Fouler le sable du désert d'Atacama de pieds timides. Perdre son regard dans la mer démontée des plages de Jaco. Se promener dans la forêt sauvage et brûmeuse de Vancouver Island. Voler des yeux avec les millions de papillons Monarques et les oiseaux de Paracas. Se réveiller au clair de lune du souffle des baleines franches australes. Et rencontrer. Ces regards interrogateurs, peureux parfois, pétillants souvent. Ces mains tendues à aider partout. Ces bonjours de bras levés, de haussements de mentons éphémères. Rencontrer encore, ces inconnus qui par la magie du temps court et intense vous offre si naturellement des amitiés qu'on aurait mis des années à construire.

Voilà quelques-unes des images qui me viennent à l'esprit. Pourtant, cela ne suffit pas à décrire mon sentiment. Aujourd'hui, écrivant la dernière page de ce carnet de bord, je me sens comme une de ces boules souvenirs que l'on secoue et qui remue des dizaines de petits flocons de neige miniatures. Sous la minuscule tempête, lorsque le calme sera revenu, se découvrira un paysage. Non pas le Colisée de Rome ou la Tour Eiffel de Paris, non pas un endroit que je ne connais pas, mais le paysage de moi-même. De moi-même après ce voyage. Tout ce qu'on a vu était déjà et le restera encore. C'est le voyageur qui change. Transformé de milliers d'impressions. Je ne pourrais dire aujourd'hui ce que je suis devenue, tellement les images et les sentiments se bousculent dans mon esprit, dans ma micro-tempête de belle, de forte, de parfois difficile et formidable aventure.

Un début peut-être. Je suis heureuse. Heureuse d'avoir partagé ces moments avec mes enfants, mes petits garçons et l'homme de ma vie, mon amour. Je vous dis merci d'avoir vécu ces moments là.

Un début peut-être. Je suis impatiente. Impatiente de notre prochain bout de vie ensemble. Avec les projets qui nous attendent, le travail à faire et l'amour qu'il nous reste à partager.

Un début peut-être. Je suis fière. Fière d'avoir osé aller aux bout de mes rêves.

Je ferme ce carnet de bord profitant longtemps, très longtemps j'espère, de la tempête des sentiments qui se bousculent dans ma tête. Profitant longtemps encore de l'aventure  et du voyage à moi-même.
Ce voyage, ce fut évidemment quelques chiffres "amusants" :
68'943 kilomètres parcourus en 520 jours, 16 pays visités pour 22 passages de frontières, 5066 mètres de dénivelé entre le point le plus haut (4980 mètres dans le Sud Lipez) et le point le plus bas (-86 mètres dans la vallée de la mort), 339 jours de soleil dont 49 jours de suite sans nuages, 9'970 litres de gazole consommés (là on n'est pas fiers...) pour 18’575 litres d'eau (soit 8.9 litres par jour par personne... là on est fiers !), une poule écrasée (paix à son âme), 125 réparations, revissages et collages en tout genre (merveilleuse moyenne d'une réparation tous les 4 jours), 12 visites dans les garages, 4 remorquages et autant de crevaisons...

Mais derrière les chiffres se cache la réalité d'une aventure. L'aventure d'aller risquer de tout lâcher pour aller sur les routes, en famille, dans 12 mètres carrés. Le risque que la réalité déçoive nos a priori... Je partais parce que je voulais passer du temps en famille, je voulais du repos, je voulais de la sérénité. Je partais pour découvrir l'autre, voir d'autres paysages...

Un an et demi après, il faut me rendre à l'évidence; je n'ai trouvé ni temps ni sérénité. Dans la tempête des images et des sentiments qui se bousculent dans ma tête, je me rends compte que ce n'est pas moi qui ai voyagé sur terre, mais la terre qui a voyagé en moi.

J'ai découvert quelques unes des merveilles de notre Terre, mesuré ses étendues sans fin, entrevu son insignifiance dans l'univers, compris sa fragilité. Dire que la terre est magnifique et qu’il faut la préserver ne résonne plus en moi comme une phrase banale.
J'ai croisé des milliers de visages et autant d'histoires humaines. L'humanité est incroyablement riche en cultures. Comment les préserver toutes, les comprendre, les respecter, les apprécier ? 100 vies n'y suffiraient pas.

J'ai rencontré l'humanité dans toute sa pauvreté aussi. Comment encore croire à l'égalité des chances lorsque l'on cotoie autant de misère à l'échelle d'un continent ? Croiser le regard d'un enfant, cireur de chaussures, sonde l'âme comme aucune image télévisée ne saurait le faire.

Le voyage m'a également poussé et mis face à mes propres limites, celle d'un simple humain. Les accepter est difficile, les comprendre rend plus fort et permet de se dépasser. Le voyage ne forme pas seulement la jeunesse, il forme l'Homme. Le voyage ne m'a pas apporté ce que je voulais, il m'a apporté ce qu'il est, intrinsèquement; l'image de soi. Le voyage n’apporte pas de réponses, il soulève les questions. Je pensais découvrir et comprendre le monde, je me suis découvert moi-même, je me suis découvert comme faisant partie du monde. Et nul besoin de partir à l'autre bout de la planète; le voyage commence devant sa porte, commence en ouvrant les yeux, commence chaque matin au lever du soleil.

J'espère garder longtemps la richesse, la multitude et la confusion de ces sentiments... et les avoir éveillé chez mes enfants.