Salar
Salar d’Uyuni / Bolivie
Le Salar d'Uyuni est le plus grand Salar au monde. Plus de 12'000 km2 de sel à l'horizon. Il me vient l'idée étrange et troublante que je suis ici au milieu du Salar comme il en est de ce voyage. Comme il en est de ma vie. Le passé et l'avenir sont ce qu'ils sont, et si je rampais, marchais ou courais, rien n'y changerait. Ce qui compte quand aucun miroir ne fait illusion, quand rien ne peut troubler le présent, c'est ce que l'on est dans ce moment précis, dans toute sa nudité. Voilà ce que j'en emporterai.
Les premiers mètres sur le Salar traversent d'abord une petite exploitation de sel. Puis les petits tas pyramidaux de chlorure de sodium disparaissent dans les rétro-viseurs. Devant, à gauche, à droite, partout, seulement le blanc. Le sel. On avance. En point de mire des îles qui avec la réverbération semblent flotter au-dessus de l'étendue blanche. Aucun point de repère. Seul le point GPS nous guide vers l'île qui semble si proche et pourtant distante de 90
kilomètres. Au fur et à mesure que l'on avance, on s'immerge dans un univers inconnu. La masse de sel ressemble à l'océan. Des mouvements de vagues se dessinent dans le subconscient. Pourtant c'est solide. Rien ne bouge. On roule à toute vitesse. Le son des roues est tamisé et doux sur cette matière souple. L'étendue est si grande et uniforme que l'oeil perçoit la courbure de la terre comme il arrive parfois de le voir en mer. On vogue plus qu'on ne roule.
Une dizaine de véhicules par jour peut-être filent à toute allure au loin dans le silence comme les traits d'étoiles filantes dans le ciel. Tout bruit est atténué comme lorsqu'il a neigé. Et tout ce vide magnifique n'est troublé par rien. Les couleurs du jour et la nuit se déclinent dans la voûte. Un ciel turquoise et azulé le jour, rose orangé le soir, et scintillant la nuit. Jamais nous n'avons vu autant d'étoiles. La voie lactée est si dense qu'elle est plus proche que la terre elle-même, masse noire au lointain. Marchant sur cette étendue uniforme qui annihile toute référence connue, les cristaux de sel craquent délicatement sous nos pas. Marchant sur cette étendue blanche, la nuit est lumineuse... On vole plus qu'on ne marche.
La Salar d'Uyuni est un endroit si étrange, si captivant et magnifique qu'on le quitte comme on quitte un rêve. Pas tout à fait certain de l'avoir vécu et tout à fait sur ne plus jamais l'oublier.
J'emporte un morceau de toi Salar, pour la vie. J'emporte les morceaux de moi aussi.
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