L’amie
Paposo / Chili
Quand j'étais petite, je croyais que la mer était une personne. Je viens de m'en rappeler, assise ici, face à l'océan Pacifique, aux pieds de la Cordillère côtière au Nord du Chili.
En fait, je n'y croyais pas. Je m'en persuadais. Parce que cela me faisait du bien. Je lui avais donné un nom. Et je lui parlais à haute voix ou lui chuchotais. J'avais l'impression qu'elle ne pourrait jamais trahir ma confiance et en même temps que mes secrets, mes espoirs brûlants allaient faire le tour du monde, voyageant sur ses vagues. Personne n'ignorerait ce que je voulais être. J'entretenais cette amitié longtemps, au delà de l'âge adulte. Refoulant tranquillement l'irrationnel d'une telle relation.
Aujourd'hui, la mer est sauvage, verte. L'horizon courbe. Epousant parfaitement la forme de la terre. L'océan, le plus grand du monde,
me replace à ma propre mesure. Celle du tout petit rien. Celle de la grandeur de mes rêves aussi.
Quels courants océaniques te forment ? Quelles vies portes-tu ? Masse insondable, profonde et riche. Se formant en amont, les vagues viennent inlassablement blanchir et mourir sur les pierres. L'écume s'effondre dans les rouleaux rennaìssante en bulles pétillantes, bouillonnantes et salées. L'odeur des embruns apporte toute la mer à mes narines sans que j'ai a bouger. Ils iodent ma peau, mes os. Je t'observe mer, et je vois tout.
J'ai tendu l'oreille et j'ai entendu sa réponse, transportée de chaque continent faisant écho à mes rêves d'enfant : "Regardes-moi. Je suis immuable. Je suis la vie et son origine. Parles-moi comme on fait une prière. Une prière à la vie. Je suis ton amie. Ne l'oublies plus."