Athabasca
Jasper national Park / Canada
Le glacier s’est métamorphosé d'heure en heure, triste et inquiétant dans la soirée sans soleil, argenté et mystérieux dans les reflets de la lune, et, au petit matin, orange rosé, vif comme une photographie saturée de couleurs.
La glace semble presque accrocher nos pieds. Nous suivons le guide en file indienne et chaque pas vient progressivement nous détacher de nos pensées. L'eau qui fond, forme des ruisseaux qui serpentent sur la glace et la creuse de sillons bleutés. Lorsqu'une fissure autorise l'eau à glisser sous le glacier, celle ci forme rapidement un moulin, une spirale de glace dans laquelle il ne faudrait pas tomber. Ailleurs, quelques crevasses turquoises remplies d'eau sont recouvertes d'une fine pellicule de glace translucide. La plupart du temps, la glace ressemble à de la neige compactée, opaque. Parfois elle est entièrement transparente, avec de l'eau fluide en surface, donnant le sentiment de marcher sur l'eau. Ici ou là, une fissure, témoin d'une ancienne crevasse qui s'est refermée, traverse entièrement le glacier. Toutes les variantes du blanc sont offertes sur ce glacier entouré de ses moraines, surplombé d'apics minéraux assérés. Arrivés au mur, là où le glacier vertical se froisse et se ride, le spectacle devient envoûtant, majestueux.
Dans les sacs, la nourriture et quelques habits. Pas de place pour les tracasseries quotidiennes. Le rythme des foulées impose une concentration qui n'autorise pas de diversion. La marche engendre souvent ce vide de l'esprit. Elle libère et impose le présent du présent. La présence du monde pénètre au tréfond de nos âmes et nous donne enfin ce sentiment de lui appartenir entièrement.