Quand on aime on ne compte pas
Mexique
Combien déjà ? Ah oui, 985. C'est bien le 985ème tope que nous venons d'enjamber, ces dos d'âne monstrueux ont la particularité de procurer un énervement sans limite.
Voilà le 9ème policier qui gesticule molement au milieu de la route, sifflant à tout va en montrant n'importe quelle direction, souvent un sac en plastique à la main contenant ses courses.
Et un de plus ! Un énorme nid de poule en plein milieu de la route. On aurait pû y coucher un dinosaure. A éviter de justesse pour ne pas y laisser son train avant. Tout comme cette bouche d'égoût dont la plaque a disparu, laissant un trou béant en plein milieu de la chaussée.
Peut-on compter le nombre de dépassements sans visibilité dont nous avons été témoins ? Quant aux ordures jetées sur le bord de la route, celles-là on ne peut tout simplement plus les dénombrer.
Trois, peut-être quatre fois, ce sera la petite arnaque. Ici, au change rendu il manque un billet de 100 pesos. Là le pompiste tente d'oublier de remettre le compteur à zéro. Et ce policier qui nous arrête prétextera une infraction imaginaire pour nous soutirer quelques centaines de dollars... Et la personne qui était censée laver et sécher la lessive, qui plie et range le linge détrempré sous quelques habits secs espérant que nous réaliserons la supercherie trop tard.
Et ces centaines d’enfants de tout âge, qui, au lieu d’être à l’école, se retrouvent à chaque tope, à chaque contrôle militaire ou aux péages, pour vendre aux voitures qui ralentissent des chips, des fèves, des petits chevaux en plastiques ou des boissons pour quelques précieux pesos...
C'est vrai, au Mexique, on peut en faire des comptes.
Mais il y a aussi les dizaines de gens emmitouflés à l'arrière des pick-up dans le froid et dans des conditions de sécurité inexistantes qui tendent la main pour nous saluer. Comme toutes ces mains tendues pour accueillir une simple demande de renseignement. Les multitudes de fruits et légumes inconnus et si appétissants sur le bord des routes. Les mille et une couleurs des broderies sur les étales des marchés et autant d'odeurs de viandes grillées, d'épices ou de chocolats. Les indénombrables regards qui nous questionnent : qui êtes vous, d'où venez vous. Et tous ces clochers roses, bleus ou jaunes dans chaque ville. Ces dizaines de dorures au mètre carré dans les églises. Tous ces nouveaux goûts que nous ne connaissions pas. Ces 100 paysages magnifiques de la nature. Et toutes ces paires d'yeux ronds et pétillants des enfants qui nous épillent. Les tant et tant de sourires donnés par des inconnus.
Voilà ce que l'on reçoit sans compter au Mexique.