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Mariano
Colo - Iles Chiloé / Chili

Ce genre de rencontre n'arrive pas souvent. Il y a les gens passionnés par leur métier. Le goûteur de café d'Armenia en Colombie. L'amoureux du vin et de sa bodega à Mendoza. L'artiste donnant tout son talent à chaque minute du spectacle de rue à  Montréal. Cet historien, encore, expliquant des heures durant pourquoi la découverte du tombeau du Seigneur de Sipan à Lambeyeque à bouleversé la connaissance de la civilisation Moche. Ou bien encore ce paléontologue qui gratte pendant deux ans et demi avec application et méticulosité l'os du tricératops découvert en Alberta sans jamais s'essoufler. Cet astronome qui pointe vers le ciel, reconnaissant chaque étoile anonyme pour nous profanes. Et il y a Mariano, passionné par l'autre.

Ce genre de rencontre n'arrive pas souvent. Prêtre-ouvrier pendant 30 ans dans les bidonvilles de Santiago, il nous parle des méfaits de la drogue. Cent-quatre jeunes tués en trente ans. C'est la première chose qui me frappe. Il n'a pas dit une centaine. Non. Il a dit 104. Comme si chacune de ces vies était unique et comptait pour lui. Il n'a pas non plus hésité à s'engager, emprisonné à 7 reprises sous la dictature de Pinochet pour avoir simplement osé dire aux pauvres gens que le pays ne serait rien sans l'ouvrier, sans le constructeur de route, sans le politicien pour défendre les droits, sans la mère de famille pour élever l'enfant. Message subversif pouvant provoquer la révolte. Sa voix n'a pas tremblé non plus pour dire combien l'Eglise prend de frileuses positions pour défendre l'opprimé, ne soutenant qu'hypocritement ce qu'il y a de plus simple à faire : partager. Dire combien les dictats papaux sont émis par des théoriciens de la foi vivant bien loin de la réalité du peuple.
Parcourant le monde, avec comme unique ligne de conduite de toujours se ranger du côté du plus faible, il a été accueilli partout. Partout où il frappe, si la porte s'ouvre, il dort. Avec pour maigre bagage, cet icône offert de France, ce tambour en peau de chèvre que lui ont donné des survivants ruwandais après les massacres et les pillages, cet accordéon transporté dans une caisse vieille comme la musique et ces sandales aux pieds nus foulant chacun de ses jours en tout lieu. Ces sandales avec lesquelles il n'a pas hésité à recevoir une reconnaissance du président chilien. Il raconte sa vie mais chaque phrase est entrecoupée des questions d'enfants auxquelles il répond tranquillement, saisissant chaque occasion pour rappeler à l'enfant d'où il vient, de quelle éthnie et pourquoi cela est important. Les parents aussi viennent demander, non pas une bénédiction, mais une reconnaissance de ce qu'ils font, de ce qu'ils sont. Il répond symboliquement, demandant par exemple à cette vieille personne si elle n'a jamais refusé de partager sa soupe avec quelqu'un ? Elle répond les yeux écarquillés, la bouche tremblante de la vieillesse que non bien entendu. Demandant encore, à cette famille, qui a 4 enfants, de venir au milieu de la pièce et prenant l'occasion pour rappeler à tous que la société doit beaucoup aux Papas et aux Mamans. Il organise même discrètement les danses folkloriques pour que la personne qui est restée dans l'ombre en cuisinant soit mise en valeur pendant quelques minutes. Avocate du Diable, je lui suggère qu'en prêchant la pauvreté, il joue le rôle des riches qui sont bien trop contents d'avoir des pauvres qui se satisfont de leur état. Ce à quoi il me répond que bien au contraire, ce qu'il faut c'est que les pauvres soient fiers de ce qu'il sont et de ce qu'ils font. Qu'ils prennent en main leur pouvoir, sachant que sans leur travail, le pays n'est pas. Il se sent parfois plus en communion avec un communiste athée qu'avec un catholique propriétaire terrien. Il ne cache pas son message politique, mais le valorise par la foi et l'enseignement de Jésus.

Ce genre de rencontre n'arrive pas souvent. Des yeux clairs. Très clairs. Libres des regrets de la vie, de l'attachement au futile et pleins d'amour. Aucune concession à son idéal et un partage intense du présent, et de la joie de sa foi. Il s'efface constamment pour valoriser l'Autre, le mettre en point de mire. Une journée au goût de ce petit quelque chose qui vous donne envie de croire. De croire en Dieu. De croire en l'Homme.

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